Éditorial
Saxifrage fleurit cinq fois dans l’année. Deuxième éclosion, donc. Le n°1 s’est disséminé comme une traînée de pollen subversif. On a vendu la quasi-totalité des 1 000 exemplaires, ce qui nous laisse penser que la naissance de ce journal répond à une réelle attente et occupe une place laissée jusque-là vacante dans le paysage de la presse écrite environnante. La fête de lancement, le 23 mai, a d’emblée permis d’écouler un premier tiers du tirage, signe que les 250 participants ne venaient pas simplement festoyer, trinquer et écouter de la musique, mais surtout soutenir la parution de ce nouveau média au support pourtant si désuet : le papier. Le stock est désormais presque épuisé, mais nous, non : on est même assez heureux. On ne voulait pas d’une info locale à l’esprit de chapelle et à l’horizon étriqué : Saxifrage est disponible dans des lieux de dépôt, un peu partout dans le Tarn, mais aussi à Toulouse et ailleurs, lieux aussi divers que des librairies, des restos, des espaces associatifs, militants ou culturels, des étals paysans sur les marchés ou encore une épicerie ambulante. On a des lecteurs, voire des abonnés, en Belgique, dans l’Aude, en Provence, en Gironde ou en Corse. La doyenne a 101 ans. Les plus jeunes, nous a-t-on dit, apprennent à lire dans nos colonnes. D’aucuns se sont transformés en colporteurs bénévoles. On voulait que ce canard soit ouvert aux propositions d’articles, que le comité de rédaction soit aussi un comité de lecture, pour que le ton, l’information soient le plus divers possible, dans la cohérence avec la ligne éditoriale qui s’affirme de numéro en numéro : on a reçu de multiples contributions, dont plusieurs sont publiées dans ces pages. Les collègues de la presse radiophonique associative – Radio Albigés, R d’Autan et CFM Cordes – nous ont ouvert leurs studios. Nos camarades du papier combatif Z ont signalé notre floraison. La chargée de communication de la mairie d’Albi, quant à elle, n’a pas daigné nous répondre sur le dossier de la ferme de La Renaudié, arguant que nous n’avions pas de carte de presse, que nous n’étions pas des professionnels. L’association Familles rurales du Tarn a retiré notre journal de sa friperie, dans laquelle il était en dépôt ; nos demandes d’éclaircissements sont, à l’heure du bouclage, restées sans réponses : suite au prochain numéro.
On a la fatuité de prendre tout ça comme des hommages à notre travail d’amateurs rigolards et déterminés. On n’est pas près de s’arrêter. Merci de nous diffuser, de nous alimenter de propositions, de nous critiquer. Merci de nous lire.
Regard sur la une
Détail du visage d’un Christ Pantocrator (en grec : « Tout-Puissant »), du xiie siècle, exposé au musée diocésain de Jaca, en Aragon (Espagne). A été retrouvé dans l’église de San Juan de Maltray située à un kilomètre du village de Ruesta, qui est aujourd’hui en ruines. En 1959, lorsque le gouvernement de Franco a noyé leurs terres sous les eaux du lac de Yesa, les habitants de ce village perché sur les hauteurs ont été relogés de force. À la fin des années 1980, la gestion de Ruesta est cédée par la Confédération hydrographique de l’Èbre (CHE) à la Confédération générale du travail (CGT) d’Aragon. Aujourd’hui, en dépit de l’opposition de cette organisation anarcho-syndicaliste, des camions s’affairent pour réaliser le projet d’agrandissement du lac de Yesa qui va engloutir de nouvelles terres.