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De la dilution rhétorique du courage politique

Jikabo

Photo de Jikabo
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Comme l’indique son sous-titre, Atouts Tarn est le « magazine du département du Tarn ». Son adresse postale est à la direction de la communication du conseil général, et son directeur de publication Thierry Carcenac, président de cette vénérable assemblée. L’ours, en page 3, précise qu’il est tiré à 190 000 exemplaires et diffusé gratuitement dans « toutes les boîtes à lettres du département, y compris celles portant la mention Stop pub ». On se demande au nom de quoi, tant cette feuille de chou s’apparente généralement à de l’autopromotion un peu balourde. Et pourtant, en lisant l’article que, deux mois après la mort de Rémi Fraisse et quelques semaines avant les élections départementales, le n° 103 d’Atouts Tarnfévrier 2015) consacre opportunément, pages 20-21, à un sujet d’une actualité brûlante et humide à la fois, « La politique de l’eau : entre patrimoine naturel à préserver et usages à maîtriser », on ne peut qu’être surpris par la modestie du rôle que se donne alors le conseil général dans cette revue pourtant dédiée à sa glorification : les intertitres de l’article – tels « La stratification administrative des responsabilités et compétences en matière d’eau : une affaire d’État », ou « D’une obligation de moyen à une obligation de résultat : une exigence européenne » – et l’essentiel de son propos tendent à considérablement diluer la responsabilité du conseil général en la matière, et à se défausser, principalement, sur l’État. On y apprend que la gestion de l’eau se joue à l’échelle européenne, nationale, communale ; et si l’échelon départemental est lui aussi bien évoqué, c’est, dans un premier temps, curieusement sans mentionner le conseil général, mais seulement (en caractères gras s’il vous plaît) « la mise en œuvre opérationnelle de la politique de l’État, par le préfet, les services déconcentrés de l’État ». Car, apprend-on, de leur côté « les conseils généraux jouent un rôle parfois atypique, souvent fédérateur. […] Les départements n’exercent pas de compétence obligatoire propre en matière d’eau ; tout au plus peuvent-ils avoir une mission d’appui technique […]. Ces projets restent souvent étroitement liés à des processus prescriptifs demandés et validés par l’État ». C’est même sur ces derniers mots que s’achève l’article, note finale d’autant plus remarquable qu’en bonne rhétorique politicienne, ce type de péroraison se conclut systématiquement à la gloire du conseil général ; il n’y a qu’à lire page 17 la chute de l’article consacré au numérique, qui termine avec une envolée sur les « valeurs essentielles du conseil général du Tarn ». Or, sur la gestion de l’eau, rien de tel. Avec pareil discours, le conseil général dilue sa responsabilité jusqu’à y noyer tout courage politique, ce qui est « quand même relativement stupide et bête » ; quant à la mort de Rémi Fraisse et au désastre écologique, il s’en lave les mains dans l’eau du Tescou.

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